Témoignage : Mon bébé est né prématuré

C’était un dimanche, il était 16 h. J’étais seule à la maison et je sortais un rôti du four quand j’ai sentit un liquide couler entre mes jambes. 

Mon conjoint et moi sommes allés à l’hôpital où on nous a confirmé que oui, j’avais bel et bien crevé mes eaux. 

Sauf qu’il était tôt, beaucoup trop tôt, à 33 semaines de grossesse. On m’a donc transféré en ambulance dans un hôpital qui pouvait prendre en charge mon tout-mini qui, comme je lui raconte aujourd’hui, voulait se coller à sa maman un petit trop vite. 

La vérité, c’est que je n’étais pas préparée à ce qui allait se passer. Personne ne peut être préparé·e à ça, en vrai. 

47 heures après la perte de mes eaux, j’accouchais de mon bébé. 

Je me souviens de cet instant de façon très nette, quand je l’ai vu pour la première fois. 1-2 seconde peut-être que l’infirmière l’a tenu devant moi pour que je le vois avant de l’amener sur la table pour l’aider à respirer. Il était si petit, si frêle et tout gris. Une équipe s’afférait autour de lui. Une autre autour de moi. 

Le bébé est tenu par une infirmière, devant la maman qui l'entoure dún bras. Bébé a un bonnet et est couvert dans une couverture.
Croqué sur le vif par papa, une rencontre bien trop courte.

Puis, iels sont partis. Avec lui. Mon chum aussi. 

J’étais encore dans la chambre, les jambes écartées devant le gynécologue qui me cousait l’intimité en blaguant avec la résidente. Oui, ça m’a marqué. Ma mère était là, heureusement. 

La douleur n’a pas pris trop de temps à apparaître et a atteint son apogée lorsque je me suis retrouvée seule, dans ma chambre. Cette douleur, gracieuseté d’hémorroïdes gros comme un dollars et d’une épisiotomie parce que bébé se fatiguait , m’empêchait de marcher, de m’asseoir et même d’uriner. Je me sentais seule et incapable. Et délaissée. 

Trop de choses arrivaient, mes sens étaient trop stimulés et endoloris pour que je puisse m’arrêter à moi, à mon bébé et à notre lien. J’étais maman, mais je ne le réalisais pas encore. 

11 h après sa naissance, j’ai pu aller visiter mon tout-mini pour la première fois. Ce petit bout d’homme, si minuscule, était dans son petit aquarium, branché de partout pour surveiller son rythme cardiaque, son taux d’oxygénation et pour l’aider à respirer et à s’hydrater. 

Bébé prématuré, dans un incubateur. Il a des fils, un appareil pour l'aider à respirer. On voit une main de sa mère sur sa couche et l'autre main devant lui, il en tient l'index.
Notre première rencontre après sa naissance.

Je n’ai pas pu le prendre, mais j’ai pu passer ma main dans l’ouverture pour le toucher, sans trop oser. C’est alors qu’il a tendu sa petite main et a attrapé mon doigt. 

Le lendemain, bébé était prêt pour son premier boire et j’apprenais grâce aux conseils et à l’aide d’une bienveillante infirmière comment exprimer mon colostrum. 

Je me rends compte aujourd’hui à quel point j’ai été chanceuse de pouvoir le nourrir de mon lait. Déjà que le fait d’accoucher prématurément peut avoir un impact, rajouter à cela le fait que j’ai exprimé les premières gouttes environ 24 h après sa naissance plutôt que dans l’heure suivante aurait pu vraiment changer la donne. 

Je suis sortie après 3 jours, les bras vides. Toujours un peu déconnectée. 

À tous les jours, je faisais le trajet vers l’hôpital. Couchée sur le côté, toujours à cause de la douleur. En fait, ça m’aura pris plus de 2 semaines pour réussir à m’asseoir. Je retournais donc à l’hôpital, j’allais porter le lait que j’avais tiré durant la journée précédente et je faisais du peau à peau pendant environ 3 h. Parfois, j’arrivais au bon moment pour faire ses soins. On m’apprenait à m’occuper de mon bébé avec ses conditions particulières. 

Tranquillement, à mesure que les jours passaient, que je m’occupais de mon bébé et le cajolait, tranquillement, j’ai commencé à connecter. Et c’est là que l’autre douleur est apparut. La douleur d’être chez moi sans mon bébé, d’être vide et seule, celle de ne le voir qu’environ 3 h par jour, de ne pouvoir être autant présente que je ne le souhaitais, celle de ne pouvoir lui donner autant que ce qui était prévu… ça m’a frappé. Fort.

Ce sentiment de ne pas être mère. L’être sans l’être.

Alors, je me suis mise à lui donner ce qui était à ma portée.

maman et bébé en peau à peau
Un de ces moments de douceur que sont ces instants de peau à peau.

Des heures de peau à peau, trop peu nombreuses à mon goût. Elles étaient un véritable baume pour nos coeurs, à lui et moi. On remplissait nos réservoir d’amour pour les heures qui allaient suivre. Ces moments sont restés gravés, non seulement dans ma mémoire, mais dans ma chaire. Je sens encore la chaleur moite de son petit corps, en petite grenouille, entre mes seins. Je sens encore la couverture de coton coincée sous mes bras et passant par-dessus son petit dos. Je me souviens le chatouillis de ses petits cheveux, touts fins, sous mon menton. 

Et puis, quand j’étais à la maison, j’exprimais mon lait comme une forcenée. Aux trois heures, je tirais mon lait jusqu’à la toute dernière goutte, compressant mes seins pour m’assurer qu’il n’en reste pas. Je compressais tellement que je m’en faisais des bleus. Je voulais tout lui donner. C’était ma façon de m’occuper de lui malgré tout. 

Rapidement, mon petit bébé a pris du mieux. Il faisait toujours des bradycardies et avait parfois des pauses respiratoires, mais il pouvait maintenir sa température et avait pu sortir de l’incubateur. Il buvait son lait. Il prenait son poids.

Mais chez les petits préma, ça ne prend pas grand chose pour que le vent tourne. Ce sont de petits sensibles. Quand on est arrivé une journée, son état s’était un peu détérioré, il fatiguait et il n’arrivait plus à boire. Ses bradycardies avaient aussi augmentées. On avait installé un nouveau tube, un cathéter qui partait de son nez pour aller à son estomac, pour l’alimenter sans qu’il ne fasse d’effort. 

J’ai tellement, mais tellement trouvé ça dur ce petit pas en arrière. En plus, ce cathéter pour le “gaver”. J’associais ce mot aux canards et au foie gras et ça me répulsait. Je savais que c’était pour son bien, mais… je crois qu’un autre mot aurait rendu l’épreuve un mini peu plus facile. 

Bébé qui boit son lait en cachant ses yeux avec ses mains, paumes vers le haut
Mon petit loup qui aimait se cacher les yeux en prenant son lait. On lui donnait d'abord son lait à la bouteille puis, lorsqu'il fatiguait, on la versait dans le dispositif de gavage.

Après 2 semaines aux soins néonatals, mon garçon a été transféré à la pouponnière : ils manquaient de places et son état était de nouveau stable. Les bradys avaient diminuées, il n’en faisait plus à tous les jours, il ne faisait plus de pauses respiratoires, il maintenait sa température et il avait le poids requis pour sortir de l’hôpital. 

À présent, je comptais les dodos. Il fallait 7 jours sans événement pour qu’il puisse sortir. 

Mais le temps passait et le décompte recommençait après 1-2 journées. Inlassablement. L’espoir, suivi de la tristesse. C’étaient de petits deuils à vivre quotidiennement. 

Finalement, un jour, alors qu’il aurait été à 37 semaines de grossesse, on m’a avertie qu’on lui ferait passer un test au courant de la nuit concernant ses événements cardiaques. Si je me rappelle bien, ils voulaient voir de quelle catégories elles étaient. J’ai un blanc. 

Enfin, bref. Le lendemain, quand nous sommes arrivés mon conjoint et moi, il était là. Tout mini dans son petit aquarium de plastique. Mais plus de fils. Plus d’écran qui surveillait son rythme cardiaque et sa saturation. Rien. Il n’y avait que mon petit bébé. 

J’ai regardé le médecin et je me rappellerai toujours son sourire quand il a hoché la tête et m’a dit : “Il s’en va à la maison”. 

C’était là, c’était maintenant, ce moment que j’attendais avec tant d’impatience. Je suis partie à pleurer, de soulagement, de bonheur, de fébrilité, d’intensité… 

Aujourd’hui, je ne partirai pas les bras vides et le coeur lourd. Je partirai les bras pleins et le coeur léger. 

La coquille en mains, on est sorti de l’hôpital. On allait enfin vivre en famille, apprendre à se connaître, devenir parents. 

Papa se trouve derrière, mana devant avec bébé dans les bras
Le jour de notre arrivée à la maison.

Ce fût une seconde naissance en soi. Un nouveau départ. Je redevenais maman. 

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